Comprendre la douleur : aigue, chronique, neuropathiques, Dysfonctionnelle, nociceptive…
S’y retrouver dans le labyrinthe.
Comprendre les mécanismes de la douleur, comprendre pourquoi on a mal est en soi thérapeutique.
Vous l’expliquer est l’objectif de cette brochure.
L’association internationale pour l’étude de la douleur définit la douleur comme « une sensation et un expérience émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en ces termes ».
Toute douleur comprend
- Des éléments sensoriels (intensité, type de douleur, sensations associées) mais aussi
- Des réactions émotionnelles et affectives (anxiété, irritabilité, colère, éléments dépressifs) associées. Certaines douleurs sont plus difficiles à supporter en raison de leur nature (décharges électriques, picotements brûlures…).
On distingue différents types de douleurs en fonction de leur origine. Il est important de bien les identifier.
Les douleurs neuropathiques : sont liées à une atteinte des nerfs et des fibres nerveuses qui véhiculent l’influx douloureux. Quand ces fibres nerveuses sont abimées elles peuvent déclencher des douleurs très particulières donnant l’impression de brûlures, picotements ou de décharges électriques. Ces sensations s’ajoutent à la douleur elle-même. On les rencontre, par exemple, lors de zona, lors de lésion des nerfs après une chirurgie, lors de chimiothérapies qui peuvent toucher les nerfs. Il s’agit, en quelque sorte, d’une atteinte du circuit électrique de la douleur.
Le nerf a été abîmé et conduit le message douloureux de façon anormale. Les douleurs neuropathiques peuvent être dues à un virus, à une chirurgie qui a abîmé les nerfs ou lorsque des médicaments toxiques pour les nerfs ont été proposés. Les douleurs neuropathologiques sont plus difficiles à supporter que les douleurs nociceptives. Pour les traiter on utilise les antiépileptiques ou les antidépresseurs même s’il n’y a pas de dépression afin de réguler le dysfonctionnement des nerfs. La douleur implique en effet un grand nombre de mécanismes au niveau du cerveau, de la moelle épinière, du système nerveux. Certains médicaments qui initialement ne sont pas proposés pour la douleur mais pour des maladies du système nerveux, ont montré leur intérêt. Les antiépileptiques sont utilisés dans les douleurs neuropathiques et dans les douleurs chroniques pour diminuer l’hyperexcitabilité des neurones dans la douleur. Ces médicaments agissent sur les mécanismes de régulation et de contrôle de la douleur. Ils renforcent un système d’inhibition des mécanismes de la douleur. Ils n’agissent pas immédiatement, il faut attendre une dizaine de jours.
La douleur périphérique ou nociceptive :
Ce type de douleur débute suite à une lésion physique, une atteinte de l’organisme par un traumatisme. Les petites fibres nerveuses qui servent à la sensation douloureuse et qui sont présentes un peu partout (sur la peau, les articulations, les os, les viscères…) sont alors activées et déclenchent une sensation de douleur.
Les douleurs dysfonctionnelles
Dans ce cas n’y a pas de lésion dans le corps, ni dans un organe, il n’y a pas non plus de lésion des nerfs. C’est le cerveau qui ne régule plus la douleur. Le cerveau est activé en permanence et envoie des messages douloureux en continu.
On distingue deux types de douleur: la douleur aiguë et la douleur chronique.
Cette distinction est très importante car les mécanismes physiologiques en jeu sont différents. La douleur est dite « chronique » quand elle persiste au-delà de 3 à 6 mois Cette durée correspond à la période de cicatrisation de tissus : après une opération par exemple.
A la différence de la douleur aiguë qui vise à protéger l’organisme ( la douleur chronique n’a pas de fonction de protection.
C’est un peu comme une mauvaise habitude qu’aurait pris le cerveau.
Au départ la douleur est un signal que le cerveau envoie à votre corps pour lui signaler un danger. Le cerveau peut se tromper et envoyer un signal alors que ce n’est pas, ou plus, nécessaire.
La douleur chronique est en quelque sorte une défaillance du système d’alarme. Le cerveau se trompe dans l’évaluation de la situation estimée. Il n’y a pas de danger mais il pense un message d’alerte.
Pour définir la douleur chronique on emploie aujourd’hui les termes de « douleur et peur inadaptées ». Par ailleurs il semblerait que le mécanisme qui crée la douleur chronique utilise des circuits neuronaux et des mécanismes cellulaires communs avec ceux de la mémoire. (Sandler et Lee, 2013)
En bref la douleur chronique est à la fois une émotion et un souvenir (le cerveau « Prend peur », et se rappelle qu’il a déjà eu mal) un réflexe, (il envoie alors un signal de danger qui se traduit par de la douleur).
La douleur chronique est donc une forme de mémoire.
C’est ce qui explique, par exemple, la douleur d’un membre fantôme lors d’une amputation. Le membre n’existe plus mais la douleur est quand même ressentie. La main coupée n’existe plus mais la cartographie du cerveau n’est pas à jour. Pour le cerveau elle existe toujours.
Nous avons en effet un corps physique mais aussi un corps virtuel, c’est-à-dire une image, une carte de notre corps engrammée dans notre cerveau.
Du point de vue physiologique la douleur est un signal produit par différents circuits de neurones qu’on appelle « neurotag » ou
« modèle d’activation neuronale ». Il n’y a pas de centre de la douleur dans le cerveau.
C’est important de le comprendre car la douleur utilise différents circuits de neurones qui, à leur tour, relient plusieurs sous-systèmes d’autres neurones. Il en résulte qu’énormément de situations peuvent déclencher la douleur.
La douleur chronique est donc le résultat d’une analyse qui se fait dans notre système nerveux. Cette analyse est singulière, propre à chacun, liée à son histoire, strictement individuelle. Ce qu’il est important de retenir c’est que la douleur chronique est un signal du cerveau qui pense qu’il y a danger. La bonne nouvelle c’est que si le cerveau peut se tromper vous pouvez de votre côté tromper votre cerveau…
Les réponses à ce signal de danger supposé sont variées. Ce peut être : une réponse de douleur, de la fatigue, du stress, une inflammation, un état de dissociation. C’est comme une sorte de tresse qui nouerait différents éléments. Cela peut paraitre très surprenant mais on ne souffre pas de la même façon selon les cultures, les époques, les mots utilisés, les moments de notre histoire. La douleur chronique est un phénomène complexe qui implique la personne entière, sa culture, ses croyances.
Il suffit en effet qu’un élément du neurotag (du circuit de neurones) soit activé (que le souvenir conscient ou inconscient d’un deuil se réactive, la mémoire d’une date anniversaire stressante, etc.) pour que l’épisode douloureux dans son entier se déclenche.
L’esprit et le corps sont liés. Tout est toujours dans la tête. Il n’existe pas de pensée pure. Notre perception de la réalité est créée par nos neurones, toujours.
La gestion de la douleur
La gestion de la douleur a longtemps été profondément influencée par une vision cartésienne. Cela a conduit à un schéma ou les antalgiques (les médicaments antidouleurs) dépendaient du degré de douleur que le soignant attribuait au patient. Ce modèle, que l’on sait aujourd’hui erroné, a entraîné une confiance démesurée dans l’imagerie médicale (radios, IRM, scanners). La douleur chronique n’a rien à voir avec les tissus biologiques.
La sensibilisation
Une douleur qui persiste au-delà de la période nécessaire pour assurer une guérison optimale des tissus signifie que le cerveau a oublié d’éteindre le système d’alarme. C’est ce que l’on appelle la « sensibilisation ».
Les douleurs persistantes, chroniques, sont dues à un système nerveux sensibilisé. En d’autres termes le système d’alarme du corps reste en mode « alarme » alors que les tissus sont réparés et que la douleur n’est plus utile. Certaines cellules deviennent hyper excitables et le restent au-delà de la période nécessaire à la restauration des tissus. Il se crée une sorte de mémoire de la douleur qui s’auto entretient dans un cercle vicieux, en boucle.
C’est ce qu’on appelle aussi la neuroplasticité qui est une forme de mémoire. Le cerveau a appris, à force d’apprentissage, à déclencher le signal d’alarme et surtout à ne pas l’éteindre.
Au contraire : non seulement il reste allumé mais il devient de plus en plus fort. Cette mémoire de la douleur se renforce par le développement de nouvelles synapses en réaction à une stimulation répétée. Le système nerveux modifie son câblage.
Il est important de bien comprendre le mécanisme de sensibilisation pour apprendre à utiliser les techniques de désensibilisation.
La neuroplasticité marche dans les deux sens. Si nous recevons de nombreux signaux de danger, nous apprenons à amplifier le danger et notre système nerveux se sensibilise. Dans le même temps si nous savons amplifier la douleur nous pouvons aussi la diminuer et progressivement déprogrammer notre cerveau, rééduquer notre système nerveux.
Pour commencer à vous désensibiliser il est important de savoir que le cerveau a besoin que vous lui rappeliez en permanence l’existence de votre corps réel. Vous devez apprendre à percevoir votre corps de façon plus fine.
Cela permettra à votre cerveau de se sentir en sécurité et de mettre en sourdine les messages de douleur. Il est indispensable que vous appreniez à développer la perception de votre corps.
Rappelez-vous : il s’agit de « rassurer » votre cerveau, de le convaincre qu’il n’y a pas de danger et donc pas de nécessité à se mettre en alerte.
Quelques pistes :
- Les thérapies psycho corporelles qui utilisent le toucher vous aideront à prendre conscience de votre corps, de votre peau, de vos organes. Cela va contribuer à « rassurer » le cerveau. Les massages aident, par exemple, à produire de l’ocytocine qui est une substance chimique qui apaise et diminue le stress.
- Vous devez développer votre capacité à ressentir l’activité intérieure profonde et physiologique de votre corps. Il est tout aussi important de prendre conscience de vos articulations et de vos muscles En d’autres termes il s’agit d’apprendre à affiner votre cartographie corporelle.
- Par ailleurs rappelez-vous que les mots et les métaphores que vous employez ont une incidence directe sur vos perceptions douloureuses. Certaines expressions envoient un message de menace à votre cerveau. Vous pouvez donc modifier le neurotag de la douleur en parlant différemment. Dire, par exemple, « inconfort ou gène » à la place de « douleur. Dites « je vais y arriver bientôt » à la place de « je ne peux pas ». Vous le faites sans doute déjà de façon intuitive. Continuez et donnez-vous pour objectif de le faire de façon systématique.
- Il est important que vous vous mettiez en mouvement et que vous visualisez votre mouvement de le visualiser. Rappelez-vous : le cerveau ne fait de différence entre un mouvement exécuté et un mouvement visualisé. Les mêmes zones du cerveau s’activent si vous marchez ou si vous vous voyez en train de marcher…
- Rappelez-vous aussi : votre cerveau a besoin de se sentir en sécurité. Apprenez avec un hypno thérapeute ou un sophrologue à créer un lieu de sécurité via des exercices de respiration et visualisation. Apprenez avec un professionnel pour ensuite pouvoir le refaire vous-même. Cela va vous demander un entrainement régulier mais les résultats en valent la peine.
- Si le mouvement est douloureux bougez différemment en progressant petit à petit dans la difficulté. La visualisation graduelle est pour cela un outil très puissant. Chaque mouvement que vous ferez en toute sécurité (en visualisant d’abord) vous aidera à rééduquer votre système nerveux. Les nerfs peu à peu se désensibiliseront.
Ce travail de reconditionnement doit être initié avec des thérapeutes formés mais il est important que vous deveniez autonomes. Devenir autonome c’est apprendre les techniques d’autohypnose, sophrologie, rééducation cérébrale., méditation en pleine conscience.
Ce travail de reconditionnement vous permettra de créer plus de sensations de sécurité afin que s’éteigne progressivement le système d’alarme de la douleur et que se désensibilise le système nerveux.